Je ne suis pas un romancier, je ne peux pas inventer, c’est ce qui est là, sous mes yeux, qui m’intéresse. Le plus difficile est d’arriver à le saisir.
Willy Ronis 1
Lignes fluides de l’urbain ou sérénité de nature, tentations orgueilleuses de saisir des fragments de l’éphémère, de la lumière ou des contrastes éclatants. Capturer des instants suspendus, quand parfois le blanc effleure les surfaces, les noirs révèlent des arêtes et les gris absorbent les reliefs.
Chaque prise de vue devient une quête intime, toutes les nuances devenant l’éventail des couleurs de mes émotions.
À l’image des photographes qui m’inspirent — Cartier-Bresson, Doisneau, Ronis — je cherche un lien invisible entre l’espace et le temps, entre la lumière et l’émotion, la grâce discrète d’un moment fugace, de la texture d’un endroit, l’espace immense d’un recoin.
Ce dialogue un-visible et le regard qui l’écrit dans le miroir, ce subtil écart entre perception et impression : ces flous, tant visuels qu’intellectuels, ouvrent mon (contre)champ de réflexion où la réalité devient poésie, matière vivante et changeante.
L’usage naïf que je fais de l’appareil photo tient encore du champ exploratoire de l’amateur, bien qu’amatrice de Photographie. Je n’ignore rien de l’intérêt du cadre, des formes, des représentations, mais je ne veux pas me lasser de la surprise et du ravissement quand mon œil s’attarde puis focalise sur une silhouette, dans un horizon, au-delà d’une frange dorée de nuages ou à travers une flaque d’eau.
« Traduire » ce ressenti quasi-instantané, en pleine conscience de l’instant, reste là une des fabrications les plus difficiles à produire et à intellectualiser.
J’aime l’idée de capturer ces révélations silencieuses, qu’elles participent une fois prisonnières, à la lecture des souvenirs évanescents du monde.
Lumière, matière, émotion, temporalité et espace « se confluencent » pour créer mon réel instantané. Mon plaisir photographique s’inscrit dans une exploration intime du regard et de la réalité. : le non-dit parfois visible mais invisibilisé dans nos, souvent, mornes quotidiens. Ma pratique, certes, ne révolutionnera pas la photographie, mais me permet d’explorer le flou des frontières de nos environnements.
Dans cette dynamique, je cherche peut-être à déjouer la linéarité du temps, à saisir des instants suspendus qui échappent à l’œil distrait. Peut-être une invitation à se questionner sur nos émerveillements empêchés. J’espère que mes images vous emmèneront ailleurs, ralentiront vos pieds, juste le temps de (re)poser vos pensées et apprécier ce qui se présente à nous.